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lundi 3 août 2015

Monsieur l’éclusier

Le canal du Nord a mauvaise réputation chez les plaisanciers, surtout parce qu’il n’y a aucune halte de prévue pour eux. Nous allons bientôt savoir pourquoi.

On entre dans le Canal du Nord. "En pays ennemi", dit le matelot !
Mais d’abord je dois expliquer aux gens daterre l’usage de la VHF. C’est une sorte de téléphone à bouton : on appuie pour parler, on lâche pour écouter. Avant, on choisit la voie sur laquelle on veut parler. Le règlement nous dit que pour parler à un autre bateau (s’il n’est pas trop loin) on passe sur le 10. On se dit bonjour et si la conversation risque d’être longue, on change, sur le 8 par exemple, parce que le 10 ne sert qu’à appeler d’autres bateaux. Le 10 est aussi le canal qui sert aux annonces : dangers, problèmes nouveaux, etc.
Pour les écluses, ça varie. Pour qu’elles ne se mélangent pas les pinceaux, elles alternent : une écluse s’appelle sur le canal 18 et la suivante s’appellera sur le canal 22. C’est le cas sur le canal du Nord contrairement à ce qu’indique le Navicarte (édition 2007) qui prétend qu’on les appelle sur le 10 (n’importe quoi !). Vous ne m’entendrez pas appeler l’éclusier, mais vous entendrez sa réponse, si vous êtes aussi sur le 18. D’accord ?

Donc, après avoir passé sans encombre la première écluse du canal du Nord, nous approchons de la suivante (Noyon) et je m’apprête à l’appeler sur son canal, le 18. Soudain une voix sort du haut-parleur :
– Ouais les plaisanciers nous font chier ! Ils n’ont rien à faire ici, c’est un canal de travail ici, ils n’ont qu’à prendre le Saint-Quentin !…
(moi) – ?…
– Ah ! oui, ils n’ont pas à être là. Il faudrait faire circuler un papier, moi je le signe !… 
(moi) – Euh… Noyon ?…
– Noyon, j’écoute…
– Bonjour. Je suis un de ces malheureux plaisanciers… je m’excuse (je n’allais pas lui demander de m’excuser !)… Je suis montant…
– Oui, bien, j’aime pas les plaisanciers ! Mais dès qu’elle est libre vous pouvez y aller. Je fais bien mon boulot même quand j’aime pas les gens ! (énorme, non ?).
La bassinée terminée je l’appelle :
– Noyon, merci pour cette bassinée et… pensez à vos collègues des petits canaux, sans nous, ils passeraient leur temps à tondre le gazon !
– Ouais, ben, c’est toujours du boulot !… 
– Oooookay ! Bonne journée !
Manifestement, il était inutile d’insister. J’aurais pu lui expliquer que si les plaisanciers passaient par le Canal du Nord ce n’était pas pour l’ennuyer, mais parce que VNF ne juge pas bon de remettre en état un petit bout (16 km) du canal de la Somme qui relie le canal de Saint-Quentin au Canal du Nord. Il nous faudrait donc monter beaucoup plus haut pour redescendre ensuite et rattraper le canal de la Somme (une carte vous aidera à comprendre). Or, quoiqu’en pense Monsieur l’Éclusier, les plaisanciers aussi ont des obligations, des dates à respecter, etc.

À partir de Noyon, il faudrait aller par Chauny,
remonter jusqu'à Cambrai, tourner à gauche,
puis redescendre, par le Canal du Nord, de toutes façons.
Ah ! ces éclusiers, calés dans leur fauteuil…
Cela dit, même si je laisse le droit à ce monsieur d’avoir ses opinions d’un autre âge, je me demande s’il peut le faire dans le cadre de son travail et aux oreilles de tous, car tous les bateaux proches branchés sur le 18 pouvaient l’entendre. Le devoir de réserve s’applique à tous les fonctionnaires, non ? Parce qu'au final, la VNF est payée par nos impôts…

Pour continuer sur notre lancée, la troisième écluse tomba en panne. Il nous faudra attendre deux heures avant qu’elle soit réparée, ce qui est bien si l’on pense qu’on était un dimanche du mois d’août. Et ça nous a permis de papoter avec deux sympathiques frères de l’Octopus, bateliers depuis cinq ou six générations, ils ne savent plus très bien, et qui se souviennent encore du temps où les péniches au gabarit freyssinet étaient 20 000 en France alors qu’aujourd’hui elles ne sont plus que 700… Cette panne cause quand même quelques bouchons.

Ben alors, on passe où ?
La panne de l’écluse nous a retardé et nous ne pourrons arriver à Péronne ce soir. C’est vrai que ce canal, qui est sinon plutôt agréable, n’a absolument aucun aménagement pour la plaisance. Nous cherchons un endroit où nous arrêter pour la nuit. Nous le trouverons enfin au PK 56, un ancien quai abandonné des commerces, près du village de Saint-Christ-Briost. Ce fut une journée de navigation de 9 h 30. Les vacances, dit-elle !…

Les possibilités de halte existent quand même.

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