Voilà, j’ai accompli mon pèlerinage familial. Je suis retourné dans la rue où vécurent les parents de ma mère. Mon grand-père, italien à petite moustache, était un entrepreneur qui fonda une entreprise de cycle (vélos, puis motos, puis scooters) que son fils cadet, mon oncle Hugo, reprit jusqu’à sa retraite ou jusqu’à ce que le magasin brûle, je ne sais plus !
Je me souviens de ma grand-mère, petite, ronde – aussi large de tous les côtés ! – qui parlait un petit-nègre italien ou « pourquoi » voulait dire « parce que » mais qui tenait la caisse du magasin, qui faisait chabro tous les soirs avec sa soupe au bouillon de poule et concoctait des gâteaux au saindoux dont l’un me valut une indigestion mémorable.
Je me souviens de mon grand-père qui venait me réveiller la nuit (j’avais une dizaine d’années) pour me faire admirer les planètes grâce à des télescopes qu’il construisait lui-même à partir de lentilles et de tubes en carton, anciens cœurs de rouleaux de linoléum.
Je me souviens de mon oncle que j’accompagnais dans ses sorties dans des bars sombres et enfumés où il jouait au billard après avoir été champion de ping-pong, pendant que je regardais une télévision en noir et blanc « colorisée » par un filtre qui mettait du bleu en haut, du rouge au milieu et du vert en bas. Étranges images…
Je me souviens de ma grand-mère qui fabriquait des pâtes et les faisait sécher sur des draps qu’elle étalait dans les immenses pièces de cet appartement qui datait du début du siècle.
Je me souviens des capeletti, les petits chapeaux, sorte de raviolis qui embellissaient le bouillon de poulet.
Je me souviens de la poule que la mémé élevait sur son balcon au troisième étage.
Je me souviens des livres de poche, des polars, des livres de science-fiction et des livres « à ne pas mettre entre toutes les mains » que me prêtait généreusement l’oncle Hugo qui en tapissait les murs de sa chambre, en les entassant les uns sur les autres.
Je me souviens des vieux, très vieux numéros de « Science et Vie » qu’on lisait aux toilettes. Je me souviens d’un tapis « algérien » pendu au mur, représentant un lion furieux agressé par un Arabe audacieux.
Je me souviens d’être allé voir le film « Godzilla » et de n’en avoir pas dormi de la nuit.
Je me souviens des cheveux longs et blancs de ma grand-mère qu’elle nettoyait en les peignant longuement avec un peigne à poux.
… Il y a cinquante-cinq ans que je n’ai pas pensé à tout ça. L’immeuble est toujours là, mais ce n’est peut-être pas le même, ou alors il a été aménagé : je vois des fenêtres curieuses qui me semblent familières, mais pas l’ensemble. Je ne sais pas. Et ces peintures blanches et bleues sont affligeantes !
Aujourd’hui le magasin est occupé par une pâtisserie, ce pourrait être pire !
C'était là… |
Une vue du port, quand même ! |
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